→ Avec quel moyen de transport es-tu arrivé sur l'île ? Je ne suis jamais arrivée sur l'île : je suis née ici. Je n'ai jamais pris le bateau de ma vie, jamais vu d'avions à part ceux traversant le ciel. Toute la modernité et la complexité de cette Terre, je n'ai pas eu la chance de les connaitre. Mais peut-être est-ce mieux ainsi, car au moins je ne peux pas regretter mon ancienne vie, pour la simple et bonne raison que je n'en ai pas.

→ Comment trouves-tu l'île ? Magnifique, y'a pas d'autre mot pour la décrire. La partie que je préfère reste naturellement la forêt, la plage... Bref tous les lieux qui n'ont pas été touchés par les hommes. D'ailleurs cette partie commence à dangereusement diminuer avec le nombre de personnes qui débarquent régulièrement, et cela ne me plait guère. Il va vraiment falloir que je me penche sur la question et que je trouve une solution.

→ As-tu ressenti de drôle de sensation en passant le triangle ? Je n'ai jamais passé le triangle, j'ai toujours été dedans. Autant dire que si sensations bizarres j'ai ressenti quand j'étais bébé, j'ai associé ces sensations à la normalité, et j'ai appris à vivre avec. Mais je prévois votre future question, et je peux donc vous affirmer que si j'étais rentrée dans ce fameux triangle, oui, j'aurais eu une drôle de sensation.

→ Si tu n'es plus vraiment humain, quel créature es-tu ? Je n'en ai jamais été un. Depuis toute petite j'ai appris à vivre avec un don. Je suis un élémentaire de la Terre. Tout ce qui est naturel je peux le contrôler. Plantations, mais aussi sol. Je peux faire de la géokinésie, mais j'évite, car je ne veux absolument pas détruire l'île -ou du moins la partie naturelle-. Ce que les hommes ont fait, je n'aime pas. Les couches de bétons, les éléments de synthèses, non merci. Je préfère largement le naturel.

→ Comment et quand te transformes-tu ? Je ne me transforme jamais, je vis avec ce don en permanence. C'est un peu un flux qui passe de la terre à mon corps. Je peux l'accélérer, faire un avec lui. Mes yeux deviennent d'un marron luisant, et hop, c'est parti. Autant dire qu'avec les années, j'ai pas mal d'expériences.

→ Voudrais-tu retrouver ton ancienne vie ? Question idiote, je vais éviter de radoter. Dans mon cas, on pourrait parler d'une vie future. Partir découvrir le monde ? J'en ai souvent rêver. Et j'en rêve toujours. Les montagnes, les déserts... Ce doit être des paysages fabuleux. Oui, j'aimerais quitter cette île maudite. Comme beaucoup de personnes aussi. Mais on ne peut pas, c'est bien connu.

→ Qu'est-ce qui te manque le plus ? On désire toujours ce que l'on ne peut pas avoir. Ce qui m'attire le plus dans l'Autre monde c'est les paysages, la nature diverse et variée. Les bâtisses, les hommes... Non, cela ne m'intéresse pas. Les téléphones portables, la télévision... Bof. Je suis la gardienne de la nature, pas une geek.

Je possède une particularité que peu de personnes sur cette île possèdent. Outre le fait d'avoir développer des capacités surnaturelles, je n'ai jamais atterri ici d'une quelconque manière qu'en passant ma tête entre les jambes de ma mère. Eh oui, je suis née sur l'île. Beaucoup rêvent de sortir d'ici, regrettant d'y avoir un jour mis les pieds. En partant de ce principe, on peut donc dire que j'ai eu la malchance d'avoir été choisie pour être la fille de ma mère. J'aurais pu ouvrir les yeux en Russie, au Canada, en Grèce. Mais non, c'est sur les Îles des Bahamas que les anges m'ont envoyé.

Je n'ai pas de frère et sœur. Juste deux parents un peu fêlés du bocal. Ils viennent tous les deux du monde extérieur. Une erreur, un signe du destin, bref, ils sont venus ici par un moyen extérieur. Deux parents qui sont restés totalement humains en débarquant. Étrange donc que leur fille ait déployé un tel don. Mais bon, personne ne sait comment ni pourquoi des dons se déclenchent chez telle ou telle personne, donc on ne va pas épiloguer là-dessus. Mes parents ont construit de leur main un petit restaurant en bord de plage de plage. Avec les années j'ai repris les rênes. Ici on ne mange que du bio. Fruits, légumes, poissons aussi. Rien à voir avec les hamburgers bien graisseux que l'on sert dans le monde extérieur et qui fait prendre 10 kilos d'un coup.

En fait je dis ça, mais je n'en sais rien. Je ne connais rien du monde extérieur, mis à part ce que les gens m'ont raconté de lui. Mon imagination est énorme à ce sujet, et je dois dire que j'imagine le monde comme un endroit féerique et utopique. Surement un monde loin de la réalité. Mais bon, vu que je suis vouée à ne jamais quitter l'île, ça fait du bien parfois de rêver ! J'ai appris à vivre avec cette déception de toute façon.

Mon pouvoir me permet de gérer la nature, et je m'en suis attribuée le rang de gardienne. Autant dire que j'ai du mal devant la progression de la ville sur l'île. Les humains étrangers sont de plus en plus nombreux à arriver. Et plus y'a de monde, plus on construit. Adieu la nature, adieu la végétation. Ca fait un peu mal au cœur. De plus ces humains sont de plus en plus irrespectueux. Et vas-y que je lance mes déchets dans la mer ou entre deux fougères. La vie devient de plus en plus invivable pour moi. Je n'ai jamais usé de mon pouvoir en terme négatif, c'est-à-dire pour blesser des gens -bon, juste pour faire des blagues de temps en temps-, mais disons que là j'ai des envies de meurtre.

Si il n'y avait que moi, la nature aurait déjà repris ses droits. Après tout, c'était elle qui était là avant tout le monde. Ces hommes... Des conquérants ! Tout ça pour former des grand blocs de bétons tout moche... Faut croire que c'est dans leur nature, car j'ai appris que c'était ça même dans l'Autre monde. Les forêts sont rasés, les mers polluées, et personne ne fait rien. Affolant et désolant. Oui, il va vraiment falloir que je fasse quelque chose, avant qu'il ne soit trop tard. J'attends la goutte qui fera déborder le vase.